Merveille en toi, Marie

Francis Volery (Compositeur) // Bernard Ducarroz (Parolier)

 

Comment mettre en musique la douceur et la tendresse de la Vierge Marie? C’est avec la pièce  chorale « Merveille en toi, Marie » pour 4 voix mixtes que Francis Volery nous en fait la démonstration.

 

Commençons par le commencement. Le couplet de cette pièce évolue dans la tonalité de Mi mineur, avec plusieurs excursions et voyages harmoniques par rapport aux règles de l’harmonie classique. En effet, cette pièce débute en Mi mineur et évolue vers l’accord de dominante Si majeur (mes.17) avant de se terminer par une cadence V - I en Mi mineur. 

 

Portons une oreille attentive à l’introduction de cette pièce ! Francis Volery choisit pour cette première section de donner la parole aux dames seules, avec l’indication d’interprétation « en demi-teinte » soulignant la douceur et la tendresse de la Vierge Marie. Le deuxième accord est déjà une surprise: le choix du VIIème degré baissé n’est pas anodin. Normalement, cet accord aurait dû être diminué (Ré# - Fa# - La) et donc contenir une certaine dureté. Ce choix de la modalité permet de renforcer la bienveillance qui se dégage du début de cette pièce. Un champ lexical matinal et floral accompagne cette mélodie (« étoile du matin », « rosée de vie », « fleur », etc.). La douceur de ce passage est encore soulignée par l’évolution en tierces des deux registres bas. La mesure 6 est précédée de la seule exception à cette série de tierces: une dissonance de seconde majeure amène une résolution sur le mot « vie » qui, malgré sa position en 6/4, nous amène calme et sérénité. Le do# de la mesure 7 inclut une couleur modale, à la fin de cette mélodie, qui, prise individuellement, pourrait nous rappeler certaines berceuses de notre enfance!

 

L’arrivée des hommes est marquée par une pédale de tonique à la basse qui permet à Francis Volery de développer quelques couleurs harmoniques inattendues (Mi mineur avec un retard non résolu de la quarte, La mineur en 6/4 ou encore Do majeur septième) tandis que cette courte pédale de tonique renforce la stabilité qu’apportent les mots « Merveille ô notre mère » Toutes les voix montent en tessiture dans les mesures 11 et 12 pour nous amener au point culminant du refrain, aux mots « Souviens toi ».

 

Les mesures 15 et 16 semblent nous conduire vers la tonalité de Si majeur, (F#m7 = Dominante mineure de Si majeur) mais Volery évite finalement la cadence V - I en incluant dans le premier temps de la mesure la note Ré#, comme pour nous suspendre au mot « Seigneur ». Il termine ensuite son refrain par une belle cadence, non conventionnelle : 

 

La manière dont Volery traite l’accord de dominante dans ce refrain est intéressant et mérite que l’on s’y penche plus en détails! Mettons en lumière quelques accords précis : 

 

Mes.1 « en Toi » Accord de sous-tonique (ou dominante mineure, sans fondamentale)

Mes.3 « toi-le » Accord de sous-tonique

Mes.4 « tin Tu » Cinquième degré mineur en sixte

Mes.5 « Vie la » Cinquième degré mineur en position 6/4

Mes.8 « din » : Septième de dominante

Mes.13 « toi de la » Septième de dominante mineure

Mes.15 « près » Cinquième degré mineur

Mes.16 « gneur » Cinquième degré

Mes.18 « Veil » Cinquième degré, sans tièrce

 Il utilise de manière générale l’accord de dominante minorisé pour éviter l’éclat de la tierce majeure qui apparaît uniquement à la fin des parties (Jardin et Seigneur, Mes.8 et 16) comme pour nous surprendre et  pour appeler la suite. La tierce omise dans l’accord de la mesure 18 développe un accord comme suspendu, suspendu à l’attente de l’aide de la Vierge Marie. 

 Le couplet débute sur le sixième degré de Mi mineur et évolue progressivement vers la tonalité de Ré majeur! Les quatre voix sont au début dans un ambitus très serré (une tierce) puis s’éloigne en mouvements contraires jusqu’au mot « Marie » (mes.24, avec un ambitus de 19ème!) Chaque élément (harmonie, distribution des voix, dissonances) tend vers le point culminant de cette partie suppliante. Un jeu d’anticipation est intéressant à la voix soprano, qui en amenant une dissonance et une résolution à quasiment tous les temps, crée une instabilité jusqu’au point d’orgue de la mesure 24, dans la tonalité de Ré majeur. L’utilisation d’une chute de quintes permet à Volery de moduler de la tonalité de Mi mineur jusqu’à celle, plus lumineuse, de Ré Majeur avec une nuance Fortissimo.

 De Ré majeur, Francis nous emmène vers l’accord de Si majeur (Dominante de Mi mineur) par une descente en quintes parallèles. Les célèbres « quintes parallèles » habituellement interdites, permettent ici l’effet d’un climat mouvant qui supporte à merveille l’idée d’implorer l’aide de la Vierge Marie. Le jeu de dissonance - résolution au registre soprano renforce encore cet effet. 

La tierce majeure du dernier accord scintille telle la béatitude du converti, du semeur, de celui qui admire la création et se tourne vers la Vierge.

Ecrite en 1984, sur un texte de Bernard Ducarroz, Francis Volery nous livre ici une œuvre très soignée, dans la tradition des pièces chorales du XXème Siècle. La densité de l’harmonie nous surprend à chaque mesure et démontre une maîtrise de cet art. La conduite des voix est remarquable, et rend cette pièce accessible à la majorité de nos chœurs mixtes!

 

La partition est disponible aux Editions Labatiaz, sous le numéro EMB 468. 

www.editions-labatiaz.com